lundi 25 mai 2015

Azadi - Saïdeh Pakravan


Azadi, liberté en persan, en kurde également; un mot que crie toutes celles et ceux qui en manquent cruellement comme ces gens qui vivent en Iran. C'est eux que raconte ce roman. L'auteure rend plus particulièrement hommage à celles et ceux qui ont osé braver les autorités en organisant des manifestations pour dénoncer les fraudes électorales lors des présidentielles de 2009 qui ont porté à la victoire Mahmoud Ahmadinejad. C'est le mouvement vert qui n'a pas duré, qui a échoué, qui n'a pas su arracher la liberté. Mais ils ont au moins essayé. Ils ont au moins espéré. Et certain(e)s ont payé, dure, le prix de leurs essais. C'est le cas, ici, de Raha, étudiante en architecture, pleine d'espoir et d'envie pour son pays qui verra ses rêves et son corps brisés après une arrestation injustifiée. L'histoire est triste, forcément, malheureusement. 

Saïdeh Pakravan réussit, dans ce roman, à me "réveiller". Le temps de la lecture, elle me rappelle les souffrances et les douleurs de toutes celles et ceux qui vivent dans des régimes autoritaires, totalitaires. Elle me rappelle les risques que ces gens encourent lorsqu'ils osent exiger ce qui leur revient de droit. Mais malheureusement, ais-je envie de dire, ce que Raha subit, tout le monde, quelque soit le pays et son régime - même démocratique- peut l'éprouver. Il suffit qu'on ôte à l'individu ses droits et qu'on le soumette à un système qui donne à certain(e)s autres l'autorité pour que ceux-là ne se privent pas du sentiment d'impunité. Et pour que celle-là ne soit pas, il ne faut jamais abandonner, jamais se résigner. Il faut toujours opposer à l'autre qui veut nous avilir la puissance de notre droit à être et à exister. Ce roman nous le rappelle avec une certaine efficacité.

Tour à tour, en faisant parler différents personnages, Saïdeh Pakravan nous raconte également l'Iran. Sans jamais approcher le manichéisme, sans jamais faire dans le simplisme, elle dessine les portraits de possibles citoyens iraniens qui expriment leurs points de vue, leurs opinions et leurs sentiments sur leur pays et son régime. Ce sont des jeunes enthousiastes, des anciens désillusionnés, une iranienne expatriée, un sepahi ... ils contestent, dans l'ensemble, le régime, critiquent leur pays, parfois avec sévérité, pour avouer, au fond, qu'ils l'aiment, en vérité, profondément. Ils chérissent l'Iran et veulent, pour lui, un avenir brillant mais savent, qu'il faut, pour cela, s'émanciper de ce régime qui les briment tant. Mais comment y arriver? D'une écriture fluide, tout à fait jolie, presque poétique et même journalistique, Saïdeh Pakravan nous invite à ressentir la douleur de l'Iran, à percevoir ses difficultés, à entendre ses interrogations et à aller au delà des apparences. Petit bémol à son récit: elle fait parler tous ses personnages à la première personne du singulier sans jamais changer de style ni de ton. Résultat, j'ai eu le sentiment que tous parlaient de la même voix; une voix à l'image de la plume, féminine. C'est assez déconcertant quand il s'agit de lire le témoignage des protagonistes masculins. Mais le défaut est minime. Il n'entache pas la qualité de ce roman que je conseillerai avec empressement.  

Azadi, Saïdeh Pakravan, Edition Belfond, 442p, 19€

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