L'amour au temps des révoltes, c'est bien de ça qu'il s'agit; de gens qui pensent leurs amours et leurs désirs, qui racontent leurs tristesses et leurs désespoirs pendant que l'Histoire, elle, se dessine en attribuant la victoire politique et militaire aux Unionistes au détriment du Sultan qui devra quitter sa Porte Sublime. Nous sommes dans l'Empire ottoman, à Istanbul plus précisément, ville aux milles couleurs qui sera peinte en rouge sang. Il sera celui des camps qui s'opposent farouchement pour la mise en place de la Constitution ou l'application de la Charia.
Dans ce roman d'une agréable poésie, le très célèbre journaliste turc nous invite ainsi à découvrir un peu l'histoire de son pays né du démantèlement de l'Empire ottoman. On y découvre des personnages qui vivent fastueusement dans leur villa et leur palais entre Salonique, Istanbul et Paris; des gens qui vivent les plaisirs de la vie; élégants et bien charmants. On imagine les femmes belles, puissantes et indépendantes; les hommes aux désirs inassouvis avec leur harem comme caprice naturelle de leur temps. On aperçoit les esclaves et les domestiques soumis à ces riches gens que l'on sent tiraillés entre deux mondes que l'on qualifiera, pour simplifier, d'occidental et d'oriental. Et, en fond, on observe s'enraciner avec violence le débat qui alimentera la future République de Turquie. On voit s'opposer, en effet, les partisans du Sultan qui veulent le maintien de son autorité et ceux qui préfèrent la mise en place d'une Constitution synonyme de modernisation, celle-ci ne supportant pas l'idée d'une application de la Charia. On le sait, les Unionistes l'emporteront; les militaires imposeront plus tard leur politique en Turquie en prétextant la démocratie et la laïcité quand il s'agira en vérité de profiter d'un pouvoir qu'ils ne voudront pas lâcher, encore moins aux religieux qui resteront toujours l'ennemi de leur passé.
J'ai pris plaisir à découvrir ce roman. Il est beau, élégant, il est bien construit, bien amené. Il impose son temps, lent. Il m'a forcée, en effet, à le lire doucement, sans doute pour mieux le savourer? Ahmet Altan que j'apprécie particulièrement mérite bien son succès. Son roman est à conseiller.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire