Les questions se posent et se reposent à chaque fois que le drame frappe. Qui sont ces jeunes gens qui, un jour, décident de passer à l'action? Pourquoi se plaisent-ils à employer la terreur pour répandre la mort? D'où vient cette violence revendiquée et cette radicalisation assumée? Directeur d'études à l'EHESS, Farhad Khosrokhavar, sociologue, écrit, ici, ses réponses- forcément multiples- en interrogeant notamment la dimension subjective de la radicalisation.
L'auteur s'intéresse, en effet, aux radicalisés; ceux qui décident d'exprimer leur opposition à la société par violence et agressivité toujours au nom d'une idéologie assumée. Il questionne les motivations des Mohamed Merah, des Moussaoui et on pourrait aujourd'hui ajouter des Coulibaly et des Kouachi; ces personnages au parcours chaotique et à l'esprit fragilisé qui finissent par se trouver une identité dans un mouvement qui leur offre tous les conforts (matériels et intellectuels) qui leur manquaient. Il écrit ces déshérités qui dans une société globalisée avec ses nombreuses difficultés (économiques et sociales) veulent devenir des martyrs respectés. Il pense ces hommes et femmes, frustré(e)s, qui décident de répandre la mort pour une croyance et contre une société qu'ils ont, au préalable, condamnée. Héros de quelques-uns, monstres de quelques autres, ces radicalisés se pensent, en effet, dans la Vérité, forcément sacrée. Ils veulent en découdre avec ce monde qui n'est pas encore islamisé et qui, selon eux, les a humiliés. Victimes de l'Histoire - ainsi se considèrent-ils - ils veulent venger l'Islam pour enfin exister. Attention, prévient néanmoins l'auteur: les explications quant à la radicalisation diffèrent selon qu'elle a lieu dans les pays musulmans ou pas; qu'elle soit ad extra (le radicalisé va faire la guerre dans un autre pays) ou ad intra (il agit ici dans son propre pays); qu'elle soit nationale (les ennemis sont précis, considérés comme des colonisateurs) ou transnationale (adversaire multiforme: Etats-Unis, Israël, Etats arabes dit corrompus, Europe etc). Ce livre s'intéresse autrement dit au processus de radicalisation dans sa diversité; les radicalisés, leurs motivations et les explications différant notamment selon le contexte politique et social.
Ainsi, le profil des radicalisés n'est plus forcément le même que celui du passé. Autrefois sélectionnés pour leur degré d'efficacité, ils sont aujourd'hui les plus fragilisés. Avant les attentats du 11 Septembre, les groupes liés à Al Qaida refusaient, en effet, les gens "peu fiables". Depuis, pour échapper à la surveillance, la répression et la condamnation, ce sont les personnalités les plus influençables et malléables qui sont approchées et manipulées. Ce sont désormais des personnes "isolées" et autonomes qui agissent et exécutent les actions. Le terrorisme dit islamique est ainsi loin de sa disparition: il se renouvelle et se réorganise. Il continue de gagner certains esprits malheureusement intéressés et difficiles à prévenir et protéger.
L'ouvrage raconte encore beaucoup de choses qui ne peuvent être tous évoqués (la question des financements, des lieux de radicalisation, du lien avec le fondamentalisme religieux etc). Il suffit simplement de préciser qu'il peut intéresser toutes celles et ceux qui ne sont pas familiers avec les explications et les arguments avancés par l'auteur. Pour les autres qui les ont déjà entendus, lus et/ou pensés, rien de nouveau ne sera évoqué. C'est là la faiblesse de ce livre qui reste malgré tout d'un grand intérêt en ce qu'il fait le résumé de ce qu'il faut, au minimum, savoir sur le sujet.
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